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Laboratoire d'Innovation des Acteurs des Politiques Publiques
29 mars 2017

Pourquoi et comment sortir du zonage scolaire

Notre mixité sociale est en panne. Nous devons la refonder. Pour cela, il faut accepter de remettre en cause les deux politiques publiques principales qui la fondent: la carte scolaire et le zonage de l'éducation prioritaire.

 

La carte scolaire

Depuis 1963, le choix des établissements secondaires publics est encadré. Installée, à l'époque, dans une logique de planification typique de l'époque, la carte scolaire est devenue ensuite un outil de justice sociale. On oblige les familles à scolariser leurs enfants dans l'établissement de proximité pour maintenir la mixité sociale. Cette restriction de la liberté des ménages est censée rétablir l'égalité.

Mais soixante ans après l'instauration de cette politique, on sait maintenant qu'elle accroît les inégalités, en devenant l'un des principaux moteurs de la ségrégation sociale. Les familles les plus défavorisées ne peuvent quitter les quartiers des établissements les plus populaires quand les personnes plus aisées trouveront toujours une solution. Dans certains quartiers, on achète ou on loue des garages pour disposer du précieux justificatif de domicile du secteur du collège convoitée. Les promoteurs immobiliers connaissent parfaitement le zonage scolaire de leurs implantations de programme résidentiel et déterminent leurs arguments commerciaux en jouant sur l'offre scolaire privé et public. Le prix de l'immobilier est aujourd'hui en partie déterminé par la carte scolaire. On aboutit ainsi au contraire de ce qu'espère ses défenseurs: la carte scolaire est devenue une politique qui accroît les inégalités.

 

Les "zones d'éducation prioritaire"

La politique d'éducation prioritaire est censée "donner plus à ceux qui ont moins". Instaurée depuis 1981 avec la création des "zones prioritaires", cette politique a beaucoup variée dans ses appellations mais elle a conservé un même principe: les établissements ayant le label "prioritaire" reçoivent des moyens humains et financiers plus importants que les autres. Censée lutter contre les inégalités scolaires, toutes les études convergent pour montrer qu'elles ont l'effet contraire: les jeunes issus des milieux populaires réussissent moins bien que dans les autres pays et la Nation investit moins pour l'éducation dans ses quartiers que dans les zones plus favorisées.

Outre son renforcement des inégalités, cette politique a des effets de seuil dévastateurs: en posant des labels (REP et REP+ aujourd'hui), l'Education nationale crée un sentiment d'injustice pour les personnels des établissements qui ne l'ont pas eu. On en trouve une preuve dans le mouvement très suivi des lycées des académies de Créteil et d'Aix-Marseille qui, entre décembre 2016 et février 2017, a privé leurs élèves les plus défavorisés de six semaines de cours. Le paradoxe est là: les élèves les plus défavorisés ont moins d'écoles à cause des luttes incessantes autour de la labellisation et des moyens dédiés.

 

 

 

Que faire?

Il faut donc supprimer des politiques devenues néfastes car elles renforcent profondément les inégalités. Mais comment le faire d'une façon qui soit à la fois juste et efficace? Il faut pour cela sortir d'une politique de label et de zonage "à l'établissement". Car les fondements de la justice scolaire doivent être trouvés dans l'appui que nous allons trouver en direction des individualités d'élèves issus des familles défavorisées et non de regroupement indistinct d'élèves "labellisés".

Nous proposons une attribution individualisée des moyens aux écoles en fonction du "statut" des élèves. On donnera davantage de moyens lorsqu'un élève sera boursier (ou aura un handicap ou des besoins particuliers) et moins de moyens quand un élève  sera issu de famille plus favorisée.

Comment cela marchera-t-il? Actuellement, dans le secondaire, la dotation de moyens des établissements (ce qu'on appelle la dotation globale horaire, la DGH) est attribuée à la fois selon le label et le nombre d'élèves. Grosso modo, pour deux collèges de 500 élèves, celui qui est REP+ se voit attribuer 750 heures de cours cumulées par semaine  (500 multiplié par 1,5) alors que l'établissement favorisé n'en aura que 500. Nous proposons que l'élève boursier permette l'attribution de deux heures hebdomadaire pour une seule heure pour l'élève favorisé. Ce sera l'addition des moyens cumulés selon le statut de chaque élève qui fera la dotation globale de l'établissement.

Conclusion

En supprimant la carte scolaire, en permettant aux familles de retrouver la possibilité de choisir l'établissement de scolarisation de leur enfant, tout en attribuant un "poids" de moyens plus élevé aux enfants les moins favorisés, on avantage la liberté des individus et des équipes. En effaçant  les frontières des labels et du zonage, on anéantit bien des tensions qui minent le système éducatif français. On redonne des marges de manœuvres et de libertés aux équipes des établissements qui, ne subissant plus le label, se voit pourtant récompenser en moyens quand elles font le choix d'accueillir un public plus défavorisé.

Cette politique serait plus respectueuse des valeurs républicaines. Elle accroît la liberté des citoyens et des professionnels de l'Education en supprimant les labels et les zonages qui brident leurs choix. Elle renforce la lutte contre les inégalités en se concentrant sur les individus et non sur des entités (la zone, le quartier, l'établissement)  qui renforcent une ségrégation spatiale, devenue  une souffrance pour les populations qui la subisse.

La gauche doit se refonder en revenant à ses valeurs. Elle ne doit plus hésiter à supprimer des « vieilles » politiques dépassées qui l'éloignent chaque jour davantage des populations défavorisées. Le zonage « prioritaire » et la carte scolaire en font partie: inventons des actes forts qui renforcent nos valeurs et participeront à retrouver la confiance de populations, qui, se sentant abandonnés, se tournent vers le front nationale et vers le fondamentalisme religieux. Attribuer plus à chaque enfant pauvre, c'est lui donner, individuellement, une valeur qu'il a le sentiment d'avoir perdu.

 

 

 

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