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Laboratoire d'Innovation des Acteurs des Politiques Publiques

6 février 2018

Le toit terrasse jardin: un levier de biodiversité et de convivialité

 

 

Si nous voulons remettre des espaces verts dans les villes, le moyen le plus efficace sera de passer par les toits.

Nos toits ont été longtemps utilisé uniquement pour nous protéger des intempéries. En conséquence, nous devions y installer une pente adaptée d'écoulement de la pluie, et éventuellement de la neige. Et nous devions y trouver une couverture minérale qui assurait l'imperméabilité face à la pluie. Le toit était donc un espace inutilisé par les hommes.

Les technologies permettent maintenant d'assurer facilement cette imperméabilité avec des toits plats qui peuvent devenir des espaces de vie. Cette vie peut prendre deux formes. Celle d'abord du jardin qui installera des espaces verts au coeur des villes. De préférence, ce jardin portera la production de proximité de légumes et de fruits, de manière à rapprocher les habitants de leur nourriture. Celle ensuite, d'espaces de convivialité partagée. Le toit d'un immeuble est en effet un espace ouvert, ensoleillé, disposant de panorama et de perspectives agréables à l'oeil. En le privatisant, comme les promoteurs ont l'habitude de le faire actuellement, on induit une hiéarchie entre les habitants et une impossibilité de solidarité, de fraternité entre eux. En faisant de ces terrasses, un espace de vie partagé, on va recrée un partage et un sens du collectif entre eux, qui va bénéficier à tous.

L'inconvénient de ces toits "verts", c'est la nécessité d'une technologie de construction qui assure une portance d'au moins 300 kilos par mètre carré (500 semble un chiffre préférable) pour porter la terre et l'eau qu'elle contient. Cela n'est pas toujours possible, car cela réclame une dalle d'une portance suffisante et des murs porteurs solides. Cela présente le désavantage d'être peu compatible avec des technologies "douces" (ossature bois et isolation paille par exemple). Mais cela peut, par contre, s'adapter à des constructions déjà existantes (murs en béton banché ou en brique monomur avec coffrage de renfort). Dans ces derniers cas, on pourra rajouter, en lieu et place du toit classique -fermette et tuile- une dalle en surplomb de la construction sur laquel on pourra installer la terrasse jardin conviviale.

Dès lors, ces toits "habités" vont avoir différentes fonctions et aménagements.

Tout d'abord, leur accessibilité par les habitants va nécessiter un accès sécurisé qui se fera par un escalier, complété, dans la mesure du possible par un ascenseur. Cela devra être anticipé lors de la construction ou de la rénovation-extension où il faudra -par exemple- prolonger vers le haut les cages d'escaliers et d'ascenseurs. Cette accessibilité -pour des raisons de sécurité des habitants- va exiger des rembardes pour éviter les chutes.

Mais plutôt que de créer des rembardes tout autour, il semble préférable de considérer que l'ensemble du toit constitue une bulle abritée, sous la forme d'une serre dont les parois en verre protégeront les utilisateurs du lieu. En effet, l'inconvénient pour la végétation d'être sur un toit, c'est leur exposition au vent et au soleil. En installant une "coque" de protection sous forme d'une serre, on règle ce problème et on offre un espace de production végétale plus optimal.

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25 octobre 2017

habiter autrement: l'immeuble du futur sera écologique et convivial

Il s'agit ici de décrire un projet d'écriture original: un petit ouvrage qui décrit une utopie. Il s'agit de montrer comment notre avenir commun tiendra dans la manière dont nous allons apprendre à cohabiter autrement. Il nous faut accepter d'atterrir sur la Terre et de faire avec ce qu'elle est devenue, ce que nous en avons fait: il ne s'agit plus de savoir où nous devons aller mais de trouver les moyens de savoir comment nous allons vivre et survivre sur une planète pollulée aux ressources épuisées. Comment atterrir? Revoir notre manière d'habiter.

 

Tout d'abord, nous allons dresser le tableau d'une planète dont nous devons définitivement accepter qu'elle n'a plus rien de la Nature. Nous l'avons totalement asservi et devons maintenant accepter de la gérer comme un ensemble durable. Notre approche sera micro-écologique car c'est dans les détails de l'échelle humaine que se situe les premières solutions évidentes et viables.

 

Le premier cas sera celui d'un vieil et simple immeuble marseillais de centre ville. Comment faire avec cet habitat sommaire et pauvre? On montrera comment la convivialité et le micro-potager perpétuel, permacole intensif constitue le premier échelon qui permet à chaque homme de se retrouver acteur de son destin. C'est bien entendu la notion de toit plat qui devient la première marche à franchir pour reprendre pied dans un futur d'espérance.

Le second permet de s'ouvrir d'autres perspectives: un immeuble des années 50 avec quelques ouvertures foncières autorise d'autres leviers de changement. La surélévation, la pose de panneaux solaires en façade, des extensions en terrasse, une flotte partagée de véhicules écologiques en sont quelques exemples.

Ces leviers ayant été décrit, on pourra alors dans un troisième temps, aborder les nombreuses possibilités que permet une construction neuve. On pourra alors montrer comment un habitat peut être définitivement durable

Enfin, on pourra alors sortir de l'échelle de l'immeuble, pour reprendre de la hauteur et envisager toutes les perspectives que nous offre cette démarche globale: une nouvelle dynamique foncière et  immobilière, des réseaux renouvelées, une biodiversité revisitée, une humanité qui assurera la gestion de la Planète tel qu'elle est devenue, qui assumera sa transformation définitive.

 

Pour enrichir cet ensemble, quelques images schématiques, simples illustrons sommairement le propos.

23 octobre 2017

Les solutions pour atterrir

Depuis le début du troisième millénaire, une majorité toujours croissante d'humains angoisse pour leur avenir et celui de leurs descendants. Le futur de notre planète semble bouché, sans qu'aucune solution crédible ne vienne émerger pour contrer les scénarios qui s'annoncent.

Notre avenir semble se résumer à une triple destinée catastrophique:

-une planète polluée, risquant la guerre nucléaire et bactérologique.

-une planète surpeuplée où la raréfaction des ressources alimentaires et minérales pousse les peuples à se faire la guerre ou à migrer.

-une terre dévitalisée où la biodiversité s'éteint et où les espaces naturelles se raréfient.

 

Face à ce triple défi, l'Humanité semble assommée, ne sachant comme les affronter, oscillant entre résignation, désespoir et négation.

Il semble pourtant que des solutions, peu à peu, émergent, se débarrassant  des oripeaux des idées politiques du siècle précédent.

L'avenir anxiogène disqualifie, en effet, peu à peu, les trois grandes familles d'idées qui ont dominé le débat politique et les amènent, comme on le verra à muter vers d'autres formes.

Le libéralisme, dans une planète finie, ne peut plus revendiquer les grands espaces à conquérir de ressources nouvelles. La sociale-démocratie meurt de devoir affronter des démons plus puissants qu'elle et dont les enjeux de survie ne s'accomodent guère du consensus sociétal qui la définit. Le communisme, teinté d'écologie, n'arrive plus à faire sens quand la prison planètaire se referme sur des damnés qui n'ont plus rien à partager.

Finalement, où atterrir? Pour reprendre le titre du beau petit livre de Bruno Latour, il s'agit d'inventer d'autres idéaux politiques qui prennent en compte la nouvelle donne que constitue la finitude de notre planète.

On distinguera trois chemins différents et trois avenirs dont verra ici que seul le dernier nous semble acceptable.

Le premier consiste à continuer la voie mortifière de la concurrence  à tout prix: en se battant, les communautés, les peuples mytifiés par le nationalisme, espèrent être gagnants. Il adviendra ce qui conclue toutes les guerres: la destruction n'épargne personne. Il n'y a que dans les discours populistes et dans les films à gros budgets qu'un Nation juste sort indemne d'une guerre.

Le second chemin emprunte la voie de la post-humanité: tournant le dos à nos angoisses, il mise sur le positivisme revitalisé d'une humanité qui parie sur la vitalité des machines et des ordinateurs pour se renouveler et résoudre ses problèmes. Une variante élitiste de ce courant, ne croyant plus en notre avenir planétaire, fait le pari de faire parti de la petite minorité qui échappera à l'apocalypse pour rejoindre une autre planète, Terre promise des justes.  Il suffit pourtant de s'intéresser au vide de l'écosystème spatiale pour comprendre vite qu'il beaucoup plus hostile qu'une atmosphère même atrocement polluée. 

En réalité, il n'y a pas d'autre chemin viable que de rester sur celui du vivre ensemble, à condition de savoir le renouveler en profondeur. Il faut se pencher sur le fonctionnement de nos sociétés de manière à ce que celles-ci, dans leur fondement même, intègrent l'adjectif Durable qu'il faut impérativement leur accoler, au point d'en faire le moteur de notre coexistence collective.

Cela mérite de dépoussièrer en profondeur notre vision du monde et nos solutions politiques.

11 mai 2017

Pourquoi la mesure "12 élèves par classe en CP CE1" n'est pas la bonne solution?

Dans le programme du désormais président Macron, une mesure présentée semble particulièrement séduisante et a marquée les esprits: celle qui consiste à promettre "pas plus de 12 élèves par classe dans les CP et CE1 des zones prioritaires". Donnons raison au candidat Macron qui pendant longtemps semblait se méfier des promesses des candidats: cette mesure n'est pas une bonne proposition et nous allons ici le démontrer. Et proposer une autre solution plus efficace.

Commençons d'abord par en montrer l'intérêt: on sait que les fondamentaux de la lecture se jouent dans les toutes petites classes de l'école élémentaire. On sait aussi que personnaliser l'enseignement, avoir, pour le maître, davantage de temps à consacrer aux élèves qui rencontrent les premières difficultés, c'est justement éviter de perdre ces élèves là en étayant immédiatement leurs apprentissages les plus fondamentaux.

Et pourtant, cette mesure n'est pas la bonne solution pour plusieurs raisons.

La première provient d'une réalité que connaisse bien les enseignants qui travaillent en demi-groupe. Avec douze élèves, la dynamique de la classe est moindre. Dans les échanges collectifs, il y a moins d'élèves moteurs qui vont dynamiser le travail oral, moins de bons élèves pour aider les autres. Moins étoffé, le groupe est moins réactif, souvent amorphe. Les élèves les plus faibles ne profitent pas de cette dynamique et de la richesse d'une classe plus nombreuse.

A l'inverse, si l'enseignant dispose de davantage de temps pour s'occuper des élèves les plus faibles, il doit cependant "faire cours" au collectif des douze élèves. Or ce "faire cours" réclame à l'enseignant un temps et une énergie considérable qui accapare l'essentiel de sa volonté. Autrement dit, il va lui rester - à douze, vingt quatre ou trente élèves- très peu de temps à consacrer individuellement aux élèves les plus en difficulté. Si on fait un rapide et sommaire calcul, en considérant que sur soixante minutes, il en passe cinquante à "faire cours" et dix à aider les élèves les plus en difficulté. S'il a une classe entière et quatre élèves en difficulté, il dispose de deux minutes et demi par élève. Si on divise son effectif par deux, il a maintenant cinq minutes par élève. C'est mieux, mais est-ce suffisant pour repêcher les élèves naufragés?

Cette mesure, alors qu'une partie de l'opinion se plaint qu'il y aurait "trop de fonctionnaires" est très coûteuse: on double le coût salarial par classe. Elle va donc entraîner des résistances concrètes: l'alternance démocratique risque d'en faire une variable d'ajustement bien pratique et donc une mesure fragile, parce que remise en question à chaque fois qu'un gouvernement voudra faire des économies sur le nombre d'enseignants.

Décrèter le doublement des classes pour l'ensemble des écoles de l'éducation prioritaire va se heurter à la réalité concrète des territoires: que va-t-il se passer pour les écoles n'ayant pas de locaux  pour ouvrir une classe supplémentaire? Pour les municipalités qui ne voudraient ou ne pourraient pas faire les travaux pour ces salles de classes surnuméraires? Pour les écoles de centre-ville qu'il sera très difficile d'agrandir? Cette proposition va être inapplicable parfois, entraînant un sentiment d'injustice pour les parents d'élèves de ces écoles là.

En installant ce système dans les établissements de l'éducation prioritaire, on veux lutter contre les inégalités sociales. Mais, se faisant, on crée une nouvelle injustice. Pourquoi l'enfant de CP disposera d'un maître pour douze élèves alors que l'élève de l'école voisine, certes légèrement plus favorisé, ne pourra bénéficier que d'un maître pour vingt quatre élèves? Pour l'élève en difficulté de cette deuxième école, la mesure est injuste en réalité. On mesure ici toute l'ambiguité du zonage des politiques françaises d'éducation prioritaire depuis plus de trente ans: en voulant aider les territoires les plus difficiles, elles ont vu perdurer la ségrégation socio-spatiale.

Alors, monsieur le président Macron, ne regrettons pas d'avoir proposé cette mesure car son intention est excellente. Il suffit simplement de mettre davantage de souplesse dans son application en proposant plutôt de généraliser une autre politique, déjà en place et qui mérite d'être prolongée et étendue, dont les bienfaits répondent au souhait partagé de soutenir l'apprentissage fondamental de la lecture dans ces petites classes: celle du maître surnuméraire.

De quoi s'agit-il? D'affecter, dans chaque école, un maître supplémentaire qui se concentrera sur les classes de CP et de CE1 pour venir accompagner et aider les enseignants dans leur travail. Le dispositif est bien plus souple que le rigide "un maître pour douze élèves", laisse les équipes pédagogiques définir elles mêmes les modalités pratiques d'organisation collectives qu'ils veulent se donner. Il ne va pas créer des problèmes supplémentaires de locaux puisque le nombre de classes et de salles reste le même. Mais surtout, par rapport à l'objectif d'aider les élèves les plus en difficulté, cela sera beaucoup plus efficace. Reprenons notre petite arithmétique sur le temps consacré à aider individuellement les élèves les plus fragiles. Avec un maître pour douze élèves, nous avons montré plus haut que le maître disposait de cinq minutes par élève faible. Avec un maître supplémentaire dans la classe, celui qui fait cours peut s'y consacrer pleinement car le deuxième enseignant est pleinement disponible pour soutenir ces élèves en difficulté. Mais surtout le temps par élève passe à quinze minutes par heure! (pour quatre élèves en difficulté) Avoir vraiment le temps d'aider l'élève en étant déchargé du lourd travail du "faire cours" tout en gardant l'élève dans la dynamique du groupe classe, voici la mesure la plus efficace et la plus juste.

Et savez-vous quel est le pays qui la pratique le plus? La Finlande. Un hasard sûrement.

8 mai 2017

Jardinons la France, pour une permaculture de la politique!

La compagne présidentielle terminée, il en reste un désir de renouvellement des principes et des méthodes politiques. La démocratie est en crise car les citoyens aspirent a dépasser les combats politiciens inutiles et souhaitent une autre manière de faire politique.  Ils souhaitent s'y impliquer davantage et voudraient un personnel politique faisant preuve de davantage d'intelligence que de chicanerie. 

 

Nous ne voulons plus d'une France considérée comme un champ de blé subissant partout les mêmes traitements et actes culturaux. Nous voulons d'une France vécue comme un jardin dont on prendrait grand soin de chaque lopin de terre, que l'on cultiverait avec attention.

Ne pourrions-nous pas inspirer de la démarche de la permaculture créée par l'australien David Holmgren pour inventer une approche renouvelée de l'action publique qui répondrait aux aspirations des Français? 

Essayons en reprenant les douze principes de la permaculture.

1-Observez et interagissez: en s'inspirant du vivant, de l'interaction, en observant les bonnes pratiques, en scrutant comme les choses se déroulent, on construit des politiques plus justes. Quand les cabinets ministériels et la représentation nationale iront , pour chaque réforme ou loi, discuter avec les cadres de terrain les plus pertinents, quand ils pratiqueront une écoute réelle et attentive de leurs interlocuteurs, alors ils pourront inventer des politiques à la fois adéquates (c'est à dire répondant aux problèmes réels des citoyens) et efficaces (c'est à dire ayant des effets tangibles et visibles). Cette construction de politique publique efficiente suppose de ne pas se contenter d'écouter les gens puis de construire la politique à Paris dans les antichambres du pouvoir. Il fauda interagir et revenir auprès des interlocuteurs, qui auront déjà été rencontrés, pour avoir leur point de vue au fur et à mesure que la politique publique s'élabore.

2-Captez et stocker l'énergie:   On peut faire deux lectures de ce principe. La première littérale serait de se donner les moyens de capter toute l'énergie dont a besoin une société, c'est à dire ici essentiellement de développer les énergies renouvelables pour ne plus dépendre à terme d'intrants coûteux et polluants. On peut aussi  y voir une métaphore de l'énergie en politique. Capter les énergies, cela veut dire s'intéresser aux personnes et aux collectifs qui au sein de la société civile, possèdent les idées novatrices et les capacités de démultiplier une politique sur le terrain. Cela signifie écouter et travailler avec les tisserands, ceux qui ont choisi de réparer les tissus déchirés du monde, ceux qui, au quotidien, tentent de mettre en cohérence les valeurs qui fondent nos sociétés et les réalités quotidiennes et pratiques qui constituent nos problèmes et nos difficultés. Si on va les chercher, les écouter, leur confier des missions, alors on renforce les politiques que nous voulons mener. Ce maillage fin suppose de sortir des logiques traditionnelles à l'oeuvre dans les démocraties représentatives: vote et oublie pendant 5 ans. 

Nos élus écoutent "leurs visiteurs du soir" mais se contentent de cela pour forger leur opinion. Stocker l'énergie en politique veut dire multiplier les contacts avec les personnes compétentes et "tisserands" sur un domaine de façon à disposer d'une grande variété d'opinions et de points de vue. On peut imaginer des annuaires publiques de ces personnes recensant les domaines d'intérêts et de capacités ainsi que des instances de consultation. Syndicalistes, représentants d'association, chefs d'entreprise, universitaires, cadres d'entreprise ou de la fonction publique, ces personnes seront invités à des débats publiques où ils pourront débattre entre eux et avec les représentants élus. On sort ainsi des habituelles expertises lobbyistes défendant toujours les mêmes points de vue pour aller vers des processus d'intelligence collective où on invente ensemble, en écoutant tout le monde, avec la conviction qu'on est plus clairvoyant à plusieurs que tout seul.

3-Cherchez le rendement: pourquoi observer et dialoguer intensément avec la société civile de terrain? Pourquoi multiplier les contacts et les échanges? Pour chercher ensemble la politique publique la plus efficace, il faut sortir des politiques publiques monocausales, concentrées sur un seul objet. Elles doivent s'élaborer avec le souci d'améliorer, avec pragmatisme la situation, en en mesurant les effets, en travaillant directement avec les acteurs de terrain, avec le souci d'une organisation rigoureuse, mais qui cherche, à chaque fois, à s'adapter aux réalités rencontrées. Cette recherche de la nouveauté doit être aussi une quête de la Fraternité nécessaire. Pourquoi, en effet, améliorer les libertés individuelles ou  réduire les inégalités si  cela ne permet pas de rassembler, réunir nos citoyens autour de projets communs? L'efficacité n'est pas seulement économique, elle suppose aussi de s'intéresser à l'entente et à l'harmonie entre les individus, à la construction de communautés vivantes et sereines.

4-Appliquer l'autorégulation et accepter la rétroaction: voilà précisement ce que notre personnel politique ne sait pas faire. On cherche vainement les situations publiques où l'on s'accorde à reconnaître nos erreurs et à changer rapidement ce qui ne marche pas. La démocratie représentative repose sur le principe du "vote et oublie" qui est le contraire de la rétroaction. Il nous faut inventer une démocratie participative où les possibilités de régulation des politique inefficaces pourront se multiplier. Cela suppose de sortir du tryptique des trois pouvoirs séparées dont la modernité date du XVIIIéme siècle! Il faut inventer d'autres pouvoirs, d'autres instances dont la fonction sera de favoriser cette régulation. Pourquoi  ne pas créer, à chaque niveau, une chambre de régulation, dont une partie des membres sera désignée par le tirage au sort et dont la principale mission permettra de poser un regard critique sur les politiques publiques suivies? Elles pourraient demander l'abrogation ou la modification de textes -même ancien- et ne disposerait pas d'un simple pouvoir consultatif mais d'une faculté exécutoire. C'est une proposition pour favoriser le processus rétroactif mais on pourrait en concevoir bien d'autres. 

5-Utiliser et favoriser les ressources et les services renouvelables: là encore, on pourra, comme pour le deuxième principe, en rester au sens littéral mais si on l'applique à la politique, on voit bien l'intérêt de rapprocher cette idée de renouvellement de la classe politique. Si on multiplie les instances et les surfaces de contact entre les élus et la société civile, on fabrique les conditions du renouvellement des idées, des pouvoirs et des énergies. Renouveler, c'est recycler ce qui ne fonctionne pas ou plus, c'est inventer en tenant compte deq nouvelles énergies qui apparaissent. Si le personnel politique en a fait sa profession, et se contente de faire carrière, il est condamné à ne pouvoir se recycler. Favoriser, au contraire, les interactions entre les différents mondes, c'est rendre biodégradable  et professionnellement compatible les élus de la République avec le monde réel.

6-Limiter les déchets: La politique produit des idées, souvent très anciennes, dont on ne sait se débarrasser. Les débats sont encombrés de ces vieilles idées non dégradables et pourtant bien dégradées! Ces idées idéologiquement très dépassées sont les déchets qui pollue le débat public. Il faut donc sortir des approches doctrinales simplistes pour aller davantage vers des débats qui repartent des valeurs pour s'intéresser aux conditions concrètes d'élaboration de politiques publiques efficaces aux services de ces valeurs et de la société toute entière. Attention aux décharges idéologiques ! Travaillons au contraire à recycler ce qui est intéressant et brûlons les vielles idées complétement obsolètes!

7-Concevoir des modèles adaptés: la variété des territoires suppose des solutions qui tiennent compte de chaque contexte. Elles doivent être individualisées pour tenir compte des spécificités de chacun, on doit alors sortir du cadre jacobin qui prétend, sous prétexte d'égalitarisme, offrir la même solution partout. Les politiques publiques, et ses responsables, sont d'autant plus efficaces qu'ils laissent aux acteurs de terrain, la liberté d'ajuster le cadre commun aux réalités particulières rencontrées. L'intelligence publique doit apprendre à s'accommoder de cette souplesse.

8-Intégrer plutôt que séparer: la ségrégation socio-spatiale a fait bien assez de dégâts dans notre pays. Il faut fraterniser les territoires et harmoniser les communautés. Facile à dire, difficile à obtenir par la loi. Chaque politique publique, doit faire de ces principes, un levier du changement. La Fraternité doit redevenir une nécessité, interrogée chaque fois que une politique publique se conçoit et se dessine.

9-Préférer les solutions douces et lentes: il s'agit, là encore, d'adapter la politique aux territoires et aux citoyens et non l'inverse. Il faut, pour cela, sortir des politiques publiques qui prétendent tout changer depuis le haut. Réformer l'école, par exemple, ne veut rien dire, car elle est en réforme permanente depuis des décennies. Il faut cibler les bonnes réponses pertinentes et prendre le temps de les construire avec les principaux intéressées. Il faut cesser de croire que l'injonction de la loi réglera les problèmes,  rompre avec la prétention à réformer de fond en comble, chercher, dans l'interaction, les réponses pertinentes, même si elles semblent modestes.

10-Favoriser et valoriser la diversité: le monde politique est composé essentiellement de professionnels. Cet "entre-soi" ne favorise pas la recherche de solutions pertinentes à nos problèmes. En mettant en place de nouvelles instances et lieux de débats et de discussions, la politique permacole va jardiner la société en faisant participer des acteurs oubliés et déconsidérés: les simples citoyens, les jeunes, les retraités, les cadres du privé et du public vont disposer d'espaces de paroles et de décisions. A cette diversité des acteurs doit s'ajouter une diversité des instances: chaque instance, chambre de nos démocraties représentatives doit être accompagné par d'autres chambres ou instances de rencontres et de débats avec des citoyens. Certains seront désignés au tirage au sort, d'autres le seront sur leurs compétences ou qualités, d'autres seront ouvertes. Elles seront souvent consultatives, mais devront prendre des décisions exécutives. Le principe de diversité suppose de laisser chaque institution décider du fonctionnement de ses nouvelles instances, avec un principe de comparaison et d'auto-régulation progressives construite avec les acteurs de la société civile et de communauté des citoyens "tisserands" qui s'y seront impliqués.

11-Utiliser les bordures, l'effet lisière et les marges: pour les territoires comme pour les instances démocratiques, la rencontre avec les autres communautés et entités démocratiques a une vertu : celle de favoriser les interactions et les comparaisons fertiles en idées. Valoriser et multiplier les occasions de rencontre entre les instances, les collectifs et les individualités, signifie échanger et multiplier les idées et les synergies qui évite l'"entre soi" mortifère.

12-Etre inventif face au changement: chaque fois que quelque chose ne fonctionne plus ou qu'une crise éclate, cela doit être perçue comme la possibilité nouvelle de l'invention d'une solution. L'intelligence collective que permet des instances variées, dynamiques et interconnectées va alors permettre d'essayer des nouveautés, de confronter des points de vue, d'innover. La politique doit devenir une entitée vivante qui essaie, anticipe, change et s'adapte en permanence à la nature vivante des sociétés. Le "droit dans les bottes" est une attitude du passé, inefficace et contre-productive. Il faut la dépasser pour inventer avec les différents protagonistes, la solution de compromis qui convient à tous.

 

Cessons de cultiver la société depuis le grand tracteur des chambres de décisions, constitués d'élus éloignés. Descendons jardiner, au plus prêt de la terre et des espèces vivantes que constituent les citoyens et les collectifs qui peuplent notre pays. Le bien-être et la productivité commune y seront bien meilleure.

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25 avril 2017

Structurer l'immeuble idéal

Comment pourra s'organiser l'immeuble convivial, autonome, résilient, écologique et économique? Il le sera en superposant plusieurs niveaux, chacun ayant sa fonction propre, complémentaire des autres niveaux. L'ensemble constituant une structure profondément cohérente. On distinguera 4 niveaux, constitués d'un ou plusieurs étages chacun.

On va ici les décrire en partant du bas pour monter vers le haut.

*Le niveau 0 est celui des sous-sols (un ou deux étages). Plutôt que la succession de box individuel que l'on retrouve dans les immeubles récents, on y trouvera plusieurs espaces ayant chacun sa fonction:

-des espaces cave pour que chaque "cohabitant"(*) puisse disposer d'un espace propre de stockage, avec des caves conséquentes pour chaque famille (minimum 10 m2).

-des espaces stationnement véhicules ouvert car il permet d'y garer différents véhicules (auto et deux roues), à propulsion électrique, copartagés. Chacun venant prendre le véhicule qu'il a réservé sur le site interne de répartition des véhicules communs.

-des espaces de gestion des énergies et des flux comportant des espaces de stockage des eaux pluviale et de récupération, éventuellement des instruments de gestion de l'énergie (stockage, chauffage, ...)

-des espaces de gestion de l'agriculture commune: rangement de l'outillage, installation de conditionnement, compostage et lombricompostage.

*Le niveau 1 est celui du rez de chaussée. L'intérieur du bâtiment comporte les appartements communs avec salle de réunion, chambre(s) "d'ami(s)", bibliothéque commune, éventuellement buanderie. Il comporte aussi des petits appartements, en location, appartenant à la copropriété (aux cohabitants), loués soit à des jeunes, des étudiants, ou des personnes seuls ou en difficultés (selon les choix du collectif) soit des appartements loués ponctuellement à des touristes.

*A l'extérieur, on trouve différents espaces plus ou moins importants, selon le foncier disponible. Ils sont organisés selon les choix (et le budget) des cohabitants  :

-des espaces de stationnement, soit pour les véhicules partagés, soit pour les véhicules individuels. Ces espaces sont couverts, dans la mesure du possible, par des panneaux solaires.

-des espaces de gestion des eaux usées, avec des systèmes de phytoépuration. Il peut y avoir aussi des plans d'eaux plus importants (mare, voir piscine naturelle).

-des espaces de loisirs communs (terrasse, jacuzzi, aire de jeux).

-des espaces "agricoles": aire de compostage, aire de vie de volailles, verger, potager.

*le niveau 2 est celui des étages de vie des "cohabitants", il comporte des grands appartements, (entre 65 et 110 m2), avec  des caractéristiques communes. Pour respecter les principes du passif, les façades au sud comporte des grandes baies vitrées sans balcons saillants, ces grandes baies donnent sur les salons et cuisine. Ces façades sont surmontées, à chaque étage, de casquette de protection orientable consitué de panneaux photovoltaïques. Au nord, on trouve les espaces de circulation avec coursives de circulation, escaliers et ascenseurs. La majorité des chambres ont des ouvertures qui donnent sur le nord. Selon les immeubles, il pourra y avoir deux, trois, quatre ou cinq étages pour ce niveau (voir davantage en milieu urbain très dense).

*Enfin, le niveau 3 est celui des toits. Il est constitué essentiellement de grandes serres agricoles largement ouvertes au sud. Il comporte aussi des espaces de vie commune sur les toits (terrasse, barbecue) ... La façade nord comporte un mur de protection lui même surmonté de panneaux solaires (et éventuellement de mâts comportant des mini-éoliennes). Dans les immeubles les plus hauts, on peux envisager plusieurs étages de serres, les serres des étages inférieurs disposant de complément de  lumières artificielles.

 

(*) Nous préférons le terme de "cohabitant" à celui de "copropriétaire" car ce qui est important ici c'est le vivre ensemble, le copropriétaire loueur est donc moins concerné que l'habitant locataire. Les cohabitants regroupent des habitants propriétaires et des habitants locataires.

 

21 avril 2017

Le voisinage est un vrai sujet

Alors que le 29 avril est devenu la journée européenne de la solidarité entre les générations, la philosophe et psychanalyse Hélène L'Heuillet sort un livre intitulé "Du voisinage. Réflexions sur la coexistence humaine" aux éditions Albin Michel. Les relations de voisinage ont longtemps été considéré comme un non-sujet. Qu'avons-nous à faire de nos voisins? Certains ne nous disent même pas bonjour mais cela ne nous empêche pas de vivre.

Nos relations à l'altérité reposent pourtant d'abord sur nos rapports de proximité: les voisins de bureau ou de palier sont les premières personnes que nous croisons physiquement tous les matins, une fois que nous sommes sortis de notre sphère familiale. Et cela ne se passe pas forcément très bien. N'avez-vous pas connu ce voisin d'immeuble ou du bureau d'à côté, qui ne répond pas à votre "bonjour" matinal? Ce manque de politesse cache bien souvent un mal-être et pas forcément un manque d'éducation. Hélène L'Heuillez décrit comment les rapports de voisinage sont aujourd'hui, bien souvent, très violents. L'effondrement du langage fait qu'on ne se parle plus ou qu'on se parle mal. Le mal-être social trouve alors sa première transcription dans l'échec des relations avec le "premier autre" pour reprendre les propos de notre philosophe.

Finalement, dans notre voisinage d'habitat, la sociabilité se limite bien souvent aux croisements dans les couloirs et les ascenseurs, à une hypothétique fête des voisins au printemps et à l'unique réunion annuelle des copropriétaires, dont la pauvreté conviviale est accentuée par le technisme des syndics.

L'habitat partagé repose sur une tout autre philosophie: il s'agit de mettre en commun des objets, des lieux dans un projet de construction construit collectivement. Si l'intimité de chacun reste protégé par son projet propre d'investissement dans un appartement, le projet  d'habitat commun permet de ne pas subir la loterie que constitue l'apparition de voisins non désirés. On a le sentiment de participer à un processus où l'on se co-choisit, où l'on participe de la construction d'un collectif de vie, où le projet partagé autorise les solidarités que nécessite les compromis que les futurs habitants devront trouver.

Les surfaces de contact seront importantes si le projet permet de partager d'autres objets que les couloirs et les ascenseurs: buanderie, appartement ou terrasse commun, production commune d'électricité, véhicule partagé... Les possibilités ne manquent pas aujourd'hui de multiplier les objets et surfaces communes qui feront faire des économies substentielles à tous.

Ce processus de partage des lieux et des objets sera d'autant plus important s'il s'inscrit dans un renforcement du lien intergénérationnel. Un sondage de la SOFRES en novembre 2013 a montré que la quasi-totalité des Français pensent que ces liens sont importants et se révèlent favorables à leur développement personnel. Cette quasi-unanimité en fait une évidence qui cache sans doute une frustration à les voir se mettre en place. Les chiffres s'effondrent quand il s'agit de savoir combien participent réellement à la construction de ces liens.

En devenant un multiplicateur de sociabilité, l'habitat partagé va faciliter cette demande sociétale: pour garder le petit, pourquoi faire appel à la grand-mère qui habite à l'autre bout de la ville, quand la voisine pourrait, plus simplement le faire? C'est parce que nous ne savons plus recréer ces liens que nous nous compliquons la vie.

Il faut promouvoir aussi l'apparition de lieux de sociabilité partagé: un lotissement ou un immeuble ne contiennent en général aucun lieu on l'on peut s'asseoir et partagé un moment (ou un apéritif) sans entrer dans la sphére privée. La réapparition de ces lieux au sein des co-propriétés est essentielle pour que l'on puisse espérer voir évoluer positivement nos relations de voisinage: terrasse sur les toits , ou salle festive et de réunion, il existe plusieurs possibilités de création de ces lieux qui feront vivre la coexistence et le lien entre chacun des membres de la communauté.

16 avril 2017

Liberté pédagogique, sors de ce corps!

Le fonctionnaire français est prisonnier de son corps d'appartenance à la fonction publique. Tel un fantôme, il peut espérer  garder son âme, mais ne pourra jamais retrouver  son corps d'origine s'il lui vient la fantaisie de le quitter.

Cette assertion n'a rien d'une affabulation mystique d'un amateur de films d'épouvante, il s'agit bien de la condition singulière et originale du fonctionnaire. Prenons des exemples précis qui permettront de mieux comprendre ce que nous entendons par là.

Choisissons un enseignant du premier degré, qui ferait le choix de passer un concours pour devenir enseignant dans le second degré. Dès qu'il devient professeur certifié, et quitte la condition temporaire de stagiaire, il perd, de manière définitive, son appartenance au corps des professeurs des écoles. Dans le même mouvement, il se dépouille de toutes les savoirs-faire afférents à son ancien métier. Alors qu'il savait enseigner à lire aux petits écoliers du cours préparatoire ou la technique opératoire de la soustraction aux élèves de cours élémentaire, il devient définitivement un spécialiste de la discipline dont il a eu l'honneur de réussir le concours du CAPES. S'il perd  irrévocablement ses aptitudes initiales, la Nation et l'Etat font le choix, eux aussi, de se débarrasser des compétences originelles de leur agent.

Prenons d'autres exemples vécus.

Un fonctionnaire de l'équipement passe un concours d'enseignant, il se prive, et la Nation avec, de toutes ses capacités à construire des routes ou des ponts.

Un enseignant de technologie, aprés douze ans, dans un collège, voudrait travailler en lycée professionnel, ce que son concours, -et son corps d'origine-, lui interdit. Il faudrait repasser un autre concours et perdre la possibilité de revenir enseigner la technologie en collège. Il renonce et restera professeur de technologie. 

Une enseignante d'Allemand, fatiguée de devoir chaque année se battre pour maintenir son service et ses effectifs d'élèves dans son collège,  voudrait bien enseigner aussi le français. Elle renonce, elle aussi, car elle va devoir choisir entre sa discipline d'origine et les lettres qui la passionne pourtant.

Un formateur d'histoire géographie, reconnu auprés de ses collègues et de ses inspecteurs, passe le concours de personnel de direction. Il perd définitivement sa légitimité didactique dans sa discipline.

Une professeur documentaliste, passionnée et particulièrement compétente, après 17 ans de métier, fait le choix courageux de tout quitter pour passer le concours de professeur d'histoire-géographie. Elle ne pourra plus revenir en arrière dès qu'elle aura reçu son admission dans le corps des certifiés de sa nouvelle discipline ... sauf  à repasser le concours de professeur documentaliste!

La règle est la suivante: un corps et un seul, pour chaque fonctionnaire. Si cette règle protège et permet de placer -en principe- les bonnes personnes au bon endroit en séparant corps (compétences) et poste (fonctions), on en mesure le double désavantage pour les intéressés et pour le collectif: la perte définitive des facultés initiales et l'enfermement dans un corps qui ne permet plus de rebondir et d'aller voir ailleurs pour se renouveler.  On pourra objecter qu'il existe la possibilité du détachement, mais il s'agit d'une autorisation exceptionnelle et temporaire qui ne dispense pas du retour dans le corps d'origine ou bien, alors, de le quitter définitivement.

Au-delà de la restriction de la liberté des individus, ce système a des conséquences particulièrement néfastes en fin de carrière. Les directions des ressources humaines académiques doivent gérer un nombre croissant d'enseignants en grande difficulté. Il s'agit, bien souvent, d'enseignants âgés, fatigués de faire le même métier depuis des décennies, n'ayant pas eu la possibilité, le courage ou l'opportunité de faire autre chose. Faut-il craindre que nos deux enseignants d'allemand et de technologie, qui ont renoncé à leur projet, ne se retrouvent pas dans cette configuration dans quelque temps, n'ayant pas eu l'opportunité d'évoluer professionnellement? On peux le penser, d'autant plus que nous savons que les possibilités de reconversion à l'extérieur de l'Education nationale, se révèlent inexistantes.

Alors, faut-il mettre fin au système des corps et amener la fonction publique à adopter celui du contrat (ou compétences et fonctions sont mêlées)? Nous ne le pensons pas, car ce système est profondément ancré dans la culture professionnelle des fonctionnaires et détermine leurs efficacités individuelles et collectives. On sait aussi que toucher au statut des enseignants est un risque politique  coûteux et inutile, tant la profession se sent déjà dévalorisée. On peut, pour les mêmes raisons, s'interroger sur l'intérêt de créer un seul corps de personnel d'encadrement qui mêlerait personnel de direction et personnel d'inspection, comme cela est parfois préconisé. 

Nous proposons plutôt la création de corps, différents des corps d'origine -qui seraient maintenus- acceptant de cumuler les compétences. Nous préconisons la création de deux corps supplémentaires, l'un d'enseignant polyvalent, l'autre de personnel d'encadrement polyvalent. On y entrerait, en sortant de son corps initial, dès qu'on aurait acquis une deuxième certification professionnelle. Ainsi, notre enseignante d'allemand garderait la possibilité de pratiquer l'allemand comme les lettres, soit de manière successive ou simultanée. 

Les enseignants voulant entrer dans ce corps nouveau, pourront le faire, sous condition de diplômes, en étant dispensé des écrits, en passant alors les oraux afférents aux concours des disciplines qu'ils brigueraient. Le même schéma sera mis en place pour les personnels d'encadrement: un inspecteur pourrait devenir personnel de direction après passage de l'oral du concours, avec possibilité de revenir sur un poste d'inspection. La réciprocité serait valable pour un personnel de direction dans sa discipline d'origine. Les compétences seraient cumulatifs dans ces corps polyvalents. Les règles de mutations seront adaptés pour ne pas désavantager ceux qui auront le courage d'accepter une mobilisation cumulative de leurs capacités.

Cette réforme serait-elle marginale dans le fonctionnement de notre système éducatif? Nous ne le pensons pas car, à terme, cette nouvelle possibilité va concerner des dizaines de milliers de carrières d'enseignants. Facilitant le développement  des points de vue intercatégorielles, des perspectives d'évolutions et des nouvelles dynamiques personnelles, évitant la souffrance professionnelle, elle favorisera une gestion des ressources humaines plus dynamique. Celle-ci est perçue comme étouffante par de nombreux personnels, parce qu'elle est se révèle incapable d'offrir des perspectives, devenus nécessaires devant les difficultés croissantes des métiers de l'Education nationale. En sortant les enseignants de leur corps initiale, on évite d'en faire des fantômes, subissant leur fin de carrière, on redonne de l'ouverture et de l'air, de la liberté aux acteurs d'un système éducatif qui en a bien besoin.

2 avril 2017

Débarrassons-nous des totems technocratiques

 

Le système étatique français, et particulièrement le système éducatif, est pollué par des instruments et une terminologie qui a des conséquences perverses sur son fonctionnement. J'en distingue, pour l'Education nationale, trois: la carte scolaire, le zonage prioritaire et les dotations en "heures postes". C'est ce que j'appelle des "totems" technocratiques. 

Pour Claude Lévi-Strauss, le totémisme est une unité artificielle, qui, dans une logique de classification, construit un système de différences entre la pensée artificielle et la réalitée naturelle.  L'anthropologue y voyait une illusion des ethnologues du XIXéme siècle. Je considère que cette logique du totémisme (1) a imprégné tout notre système éducatif au point que les personnels, les usagers, les citoyens et même les experts ne voient plus l'Education nationale qu'à travers  ces objets que l'on ne questionnent plus depuis longtemps alors qu'ils déterminent en profondeur le fonctionnement de notre système éducatif.

Concentrons-nous ici sur l'expression "dotation horaire globale" appellée aussi "DGH", terme technocratique devenue si courant qu'on le banalise sans en comprendre toutes les implications. Chaque établissement du secondaire "reçoit" chaque année, au mois de février, un chiffre qui va déterminer l'année scolaire suivante: la fameuse DGH. Ce chiffre est scruté à la loupe, comparé à celui de l'année précédente et à ceux des établissements voisins. S'il est considéré comme trop faible, il est à l'origine d'une bataille pour "avoir davantage de moyens". 

D'où vient ce chiffre? Le ministère de l'Education nationale se voit attribué, chaque fin d'année civile, un certain nombre de postes pour la rentrée suivante. Ces postes sont répartis entre les recteurs qui reçoivent des "enveloppes". Ces enveloppes sont ensuite redistribuées par établissement sous la forme d'un total cumulé d'"heures postes". Un professeur certifié correspond ainsi à 18 heures, soit le service hebdomadaire qu'il doit à son établissement. Le calcul, permettant d'obtenir ce chiffre, tient compte à la fois du nombre d'élèves, de la catégorisation de l'établissement et des options dont il dispose. Ce mode de calcul semble juste et précis, alors qu'en réalité, son apparente simplicité cache bien des perversités.

Ainsi, à nombre d'élèves égal, un collège en éducation prioritaire reçoit 50% de DGH supplémentaire. Cela semble juste. On sait pourtant aujourd'hui que bien souvent, c'est le collège le moins doté et le plus favorisé qui reçoit le plus de moyens. Ce paradoxe s'explique parce que la DGH additionne des heures brutes. Elle ne tient pas compte de la "qualité" des personnels auxquels on attribue ces heures. Même davantage dotés, les établissements accueillant le public le plus défavorisé, concentrent des enseignants contractuels ou débutants, donc moins coûteux et moins expérimentés.

Ce système, basé sur les heures hebdomadaires de travail des enseignants, focalise les communautés scolaires sur le "quantitatif" et ne leur permet pas de s'interroger sur le qualitatif, c'est à dire sur la manière précise dont ils vont utiliser les moyens qui leur sont alloués pour faire réussir leurs élèves. Il est tourné vers la charge de travail de l'enseignant et non vers la réussite des élèves. Très souvent, les seules modalités de travail, que l'on examine, sont celle de la taille de la classe ou du demi-groupe. Or, cette focalisation, qui vire parfois à l'obsession, ne permet pas d'envisager d'autres modalités plus innovantes, qui seraient réfléchis autour de l'efficacité collective des équipes envers leurs élèves.

On en voudra pour exemple les discussions en conseil d'administration autour de cette "DGH" qui se concentrent, encore trop souvent, autour de la taille de cette dotation et non autour de la manière dont on la répartit. Les conseils d'administations se prononçent alors sur cette question de l'"insuffisante DGH" qui ne relève pas de sa compétence, oubliant ses propres prérogatives qui sont celles de sa répartition.Cette focalisation par capillarité, remonte dans l'administration de l'Education nationale qui, dans les rectorats, et auprés des organisations syndicales, se concentre sur ces logiques de moyens et ne s'intéresse guère au climat des établissements et aux moyens d'améliorer qualitativement leur réussite.

Il est intéressant de noter que les conseils d'administration des collèges et lycées publics votent un budget très éloigné du coût réel de l'établissement dont ils sont censés garantir l'autonomie. Ainsi, un collège répartit un budget annuel de 100 000 euros environ, ce qui correspond à son chauffage, son électricité et une partie de son matériel pédagogique. Ces sommes sont très inférieurs au coût annuel d'un établissement, dont l'essentiel est sa masse salariale, cachée pudiquement derrière la DGH, qui se situe plutôt entre 1 et 2 million d'euros. Le totem technocratique, que constitue la "dotation globale", cache la "vérité des prix", c'est à dire le coût réel du travail enseignant, qui apparaît désincarné. Il y a d'ailleurs une pudeur, au sein de l'Education nationale,  à parler d'argent, alors que manifestement, la réussite de chaque élève a un prix, c'est à dire un coût.

Cette pudeur permet d'éviter de se poser des questions sur l'efficacité du travail pédagogique, d'en interroger la pertinence. Cela fait de notre administration, un système qui installe les personnes dans des cases: les classes dans des salles, les professeurs dans des postes, sans trop se préoccuper de ce qui se passe à l'intérieur de ces cases.

Pour sortir de cette illusion du totem technocratique que constitue les dotations globales et les "heures postes", nous ne préconisons, pas de les supprimer, car cela serait impossible, tant le système est imprégné et déterminé par cette logique pudique du système de dotation. Nous préférons la méthode du double affichage: mettre, à côté de chaque chiffre global de dotation, de manière systèmatique et obligatoire, son coût réel pour la Nation. Un recteur, ou un chef d'établissement, reçoit un certain nombre de postes et d'heures mais il reçoit aussi et surtout, une partie du budget que la Nation lui alloue, c'est à dire de l'argent. Les usagers, les personnels et les citoyens doivent savoir à quoi correspond financièrement cet argent.

Il ne s'agit pas d'une mesure "de droite" inventée pour "marchandiser" l'école mais d'une mesure réellement de gauche. On sait maintenant que l'Education nationale donne moins à ceux qui en ont le plus besoin. L'Education prioritaire n'est pas aussi coûteuse que le volontarisme de cette politique pouvait nous permettre d'espérer. En rajoutant une colonne en euros à chacun de nos tableaux excel des moyens, alloués aux établissements, on rajoute un élément de compréhension pour que la Nation, ses dirigeants, les cadres de l'Education nationale et les communautés scolaires puissent prendre les bonnes décisions. Cela n'a rien à voir avec le capitalisme mais avec une réalité qu'on préfère oublier: la lutte pour l'égalité des chances a un coût; l'interroger, c'est promouvoir la réussite pour tous et non vouloir l'enterrer.

(1) Le totémisme aujourd'hui 1962, Claude Lévi-Strauss. La notion de totem travaillée par les anthropologues -de James George Frazer à Phillippe Descola- est stimulante pour notre sujet car l'Education nationale a constitué sa propre culture et se réfère à des grands symboles qui ne sont jamais interrogés car ils sont considérés comme des évidences. Quand on se rend à l'étranger, on perçoit, dans les autres systèmes éducatifs, que ces fondamentaux de notre Education nationale n'ont pas forcément d'existence. Dotation globale horaire, carte scolaire et éducation prioritaire sont des notions inconnues dans les autres pays européens.

 

 

29 mars 2017

Pourquoi et comment sortir du zonage scolaire

Notre mixité sociale est en panne. Nous devons la refonder. Pour cela, il faut accepter de remettre en cause les deux politiques publiques principales qui la fondent: la carte scolaire et le zonage de l'éducation prioritaire.

 

La carte scolaire

Depuis 1963, le choix des établissements secondaires publics est encadré. Installée, à l'époque, dans une logique de planification typique de l'époque, la carte scolaire est devenue ensuite un outil de justice sociale. On oblige les familles à scolariser leurs enfants dans l'établissement de proximité pour maintenir la mixité sociale. Cette restriction de la liberté des ménages est censée rétablir l'égalité.

Mais soixante ans après l'instauration de cette politique, on sait maintenant qu'elle accroît les inégalités, en devenant l'un des principaux moteurs de la ségrégation sociale. Les familles les plus défavorisées ne peuvent quitter les quartiers des établissements les plus populaires quand les personnes plus aisées trouveront toujours une solution. Dans certains quartiers, on achète ou on loue des garages pour disposer du précieux justificatif de domicile du secteur du collège convoitée. Les promoteurs immobiliers connaissent parfaitement le zonage scolaire de leurs implantations de programme résidentiel et déterminent leurs arguments commerciaux en jouant sur l'offre scolaire privé et public. Le prix de l'immobilier est aujourd'hui en partie déterminé par la carte scolaire. On aboutit ainsi au contraire de ce qu'espère ses défenseurs: la carte scolaire est devenue une politique qui accroît les inégalités.

 

Les "zones d'éducation prioritaire"

La politique d'éducation prioritaire est censée "donner plus à ceux qui ont moins". Instaurée depuis 1981 avec la création des "zones prioritaires", cette politique a beaucoup variée dans ses appellations mais elle a conservé un même principe: les établissements ayant le label "prioritaire" reçoivent des moyens humains et financiers plus importants que les autres. Censée lutter contre les inégalités scolaires, toutes les études convergent pour montrer qu'elles ont l'effet contraire: les jeunes issus des milieux populaires réussissent moins bien que dans les autres pays et la Nation investit moins pour l'éducation dans ses quartiers que dans les zones plus favorisées.

Outre son renforcement des inégalités, cette politique a des effets de seuil dévastateurs: en posant des labels (REP et REP+ aujourd'hui), l'Education nationale crée un sentiment d'injustice pour les personnels des établissements qui ne l'ont pas eu. On en trouve une preuve dans le mouvement très suivi des lycées des académies de Créteil et d'Aix-Marseille qui, entre décembre 2016 et février 2017, a privé leurs élèves les plus défavorisés de six semaines de cours. Le paradoxe est là: les élèves les plus défavorisés ont moins d'écoles à cause des luttes incessantes autour de la labellisation et des moyens dédiés.

 

 

 

Que faire?

Il faut donc supprimer des politiques devenues néfastes car elles renforcent profondément les inégalités. Mais comment le faire d'une façon qui soit à la fois juste et efficace? Il faut pour cela sortir d'une politique de label et de zonage "à l'établissement". Car les fondements de la justice scolaire doivent être trouvés dans l'appui que nous allons trouver en direction des individualités d'élèves issus des familles défavorisées et non de regroupement indistinct d'élèves "labellisés".

Nous proposons une attribution individualisée des moyens aux écoles en fonction du "statut" des élèves. On donnera davantage de moyens lorsqu'un élève sera boursier (ou aura un handicap ou des besoins particuliers) et moins de moyens quand un élève  sera issu de famille plus favorisée.

Comment cela marchera-t-il? Actuellement, dans le secondaire, la dotation de moyens des établissements (ce qu'on appelle la dotation globale horaire, la DGH) est attribuée à la fois selon le label et le nombre d'élèves. Grosso modo, pour deux collèges de 500 élèves, celui qui est REP+ se voit attribuer 750 heures de cours cumulées par semaine  (500 multiplié par 1,5) alors que l'établissement favorisé n'en aura que 500. Nous proposons que l'élève boursier permette l'attribution de deux heures hebdomadaire pour une seule heure pour l'élève favorisé. Ce sera l'addition des moyens cumulés selon le statut de chaque élève qui fera la dotation globale de l'établissement.

Conclusion

En supprimant la carte scolaire, en permettant aux familles de retrouver la possibilité de choisir l'établissement de scolarisation de leur enfant, tout en attribuant un "poids" de moyens plus élevé aux enfants les moins favorisés, on avantage la liberté des individus et des équipes. En effaçant  les frontières des labels et du zonage, on anéantit bien des tensions qui minent le système éducatif français. On redonne des marges de manœuvres et de libertés aux équipes des établissements qui, ne subissant plus le label, se voit pourtant récompenser en moyens quand elles font le choix d'accueillir un public plus défavorisé.

Cette politique serait plus respectueuse des valeurs républicaines. Elle accroît la liberté des citoyens et des professionnels de l'Education en supprimant les labels et les zonages qui brident leurs choix. Elle renforce la lutte contre les inégalités en se concentrant sur les individus et non sur des entités (la zone, le quartier, l'établissement)  qui renforcent une ségrégation spatiale, devenue  une souffrance pour les populations qui la subisse.

La gauche doit se refonder en revenant à ses valeurs. Elle ne doit plus hésiter à supprimer des « vieilles » politiques dépassées qui l'éloignent chaque jour davantage des populations défavorisées. Le zonage « prioritaire » et la carte scolaire en font partie: inventons des actes forts qui renforcent nos valeurs et participeront à retrouver la confiance de populations, qui, se sentant abandonnés, se tournent vers le front nationale et vers le fondamentalisme religieux. Attribuer plus à chaque enfant pauvre, c'est lui donner, individuellement, une valeur qu'il a le sentiment d'avoir perdu.

 

 

 

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